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Journée nationale de commémoration de l'esclavage

Général Bertrand, « De l’intelligence des nègres » (s.d.)


Le général Henri Gatien, comte de Bertrand (1773-1844), débute sa carrière militaire durant la période révolutionnaire avant d’être promu lieutenant, puis capitaine lors des différentes campagnes auxquelles il participe. Il rencontre Bonaparte en Italie en 1797 et s’illustre aux côtés du futur empereur durant la campagne d’Égypte, avant de devenir son aide de camp en 1805 et de l’accompagner dans ses principales campagnes, puis à l’Île d’Elbe et jusqu’à Sainte-Hélène. Il revient en France en 1821 après la mort de l’Empereur et est réintégré dans ses grades par Louis-Philippe, mais se retire progressivement de la vie militaire et politique.

Suite au décès de son épouse, Fanny Dillon, en 1836, le général se rend à la Martinique pour régler des questions de succession. Il y restera finalement deux ans, découvrant le monde des exploitations sucrières et les conditions de vie des maîtres et des esclaves sur l’île, dans un contexte international d’émancipation. De ce long séjour demeurent des notes manuscrites, une abondante correspondance et une publication intitulée Sur la détresse des colonies françaises en général, de l’île Martinique en particulier, éditée à Paris en 1838.

Dans son ouvrage, le général Bertrand dresse un constat alarmiste de l'économie sucrière qu'il découvre lors de son séjour. Ses « habitations » ou domaines sucriers totalisent quelques 200 esclaves. Ces derniers constituaient la main-d’œuvre nécessaire à chaque étape de la culture de la canne et de la fabrication du sucre. Au cœur des exploitations, ils étaient logés et nourris par le maître – dans des conditions bien souvent critiquées au fil des siècles. Au moment de son arrivée en Martinique, une première abolition de l’esclavage a eu lieu en 1794, avant d’être rétablie par Napoléon Bonaparte en 1802, et de nombreuses révoltes sourdent dans les colonies françaises, sévèrement réprimées. Les auteurs et philosophes de métropole questionnent, dans leurs écrits, le bien-fondé de cette traite humaine et diffusent leurs idées abolitionnistes. Dans son ouvrage, le général Bertrand se montre sévère, amer face à l’État français mais considère, comme nombre de ses contemporains, que l’abolition de l’esclavage représenterait pour les colons un coup fatal dont ils ne pourraient se relever. Refusant de traiter cette question « trop épineuse » dans son ouvrage, il continuera cependant de s’y consacrer comme en témoignent ses lettres et manuscrits traitant la question. On retiendra de ses écrits une réflexion manifestement sincère sur les qualités humaines des esclaves, assortie d’un projet d’émancipation progressive dans ses propriétés, basé sur l’acquisition de jours de liberté et la stabilisation des familles par la généralisation du mariage, les vertus du travail et de la religion (« du mariage entre les nègres », « du travail à la tâche », « de la liberté qu’on pourrait accorder aux gens mariés », « de l’intelligence des nègres » etc.).

L’approche du général Bertrand, certes pragmatique et prudente, demeure un rare exemple de posture progressiste émanant d’un propriétaire d’exploitation sucrière au XIXe siècle.

Pour en savoir plus, consulter notre dossier consacré au général Bertrand :
http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/anom/fr/Action-culturelle/Dossiers-du-mois/1811-General-Bertrand/index.html

FR ANOM 183APOM 1



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