Document du mois d'octobre 2019

Inauguré en 1994, le Tunnel sous la Manche a fêté cette année ses 25 ans. Pas moins de 430 millions de passagers et 410 millions de tonnes de marchandises y ont transité au cours de cette période. Mais derrière ces chiffres, qui se souvient que la construction du tunnel fut aussi l’objet de combats industriels et de bataille d’idées ?

Après de nombreux projets avortés tout au long du XIXe siècle, c’est le sommet franco-britannique des 10 et 11 septembre 1981 qui relance le projet d’un « lien fixe transmanche ». L’appel d’offre est ouvert le 2 avril 1985, quatre projets étant alors en lice : le projet « Europont » avec un tube-tunnel suspendu par des pylônes en mode mixte (rail/route) (35 km, 50 milliards de francs) ; le projet Euroroute mixte avec une combinaison pont-tunnel-pont (40 km, 42 milliards) ; le projet Transmanche Express mixte avec quatre tunnels (31 milliards) ; le projet ferroviaire France-Manche avec trois tunnels (50 km, 50 milliards). Ce dernier projet – qui remportera finalement la mise – est mené par Channel Tunnel Group (CTG), un groupement franco-britannique de dix entreprises de génie civil et cinq banques. Il propose trois galeries reliant Frethun (France) à Cheriton (Royaume-Uni) : 2 ferroviaires à simple voie de 7,30 mètres de diamètre et 1 de service (ventilation, maintenance, sécurité) de 4,50 mètres. Les 2 galeries principales comprennent des trains de passagers et des navettes de transport de véhicules routiers.

Mais à côté des projets « officiels », d’autres structures ont aussi planché sur des programmes industriels annexes, tantôt menés avec succès, tantôt restés au stade du simple contact ou de l’esquisse. Ainsi en est-il de celui de Maurice Clerc, polytechnicien oeuvrant au sein de l’école d’ingénieurs du CESI (Centre des études supérieures industrielles) à Arras, qui contacte en novembre 1985 le siège des chantiers navals du Nord et de la Méditerranée (Normed) à Paris. Il leur adresse notamment deux brochures éditées par CTG, mais surtout son propre projet de « tube train silencieux (TTS) »... qu’il propose à la Normed de construire pour équiper le futur Tunnel sous la Manche ! Il ambitionne de mettre au point un système guidé sans contact par propulsion pneumatique : le « TTS » pourrait atteindre 500 km/h, soit 3 à 6 000 personnes transportées par heure dans des voitures de 20 places. Projet insolite, le TTS ne sera finalement pas mis en place, d’autant que la Normed est mise en liquidation en 1986 : seules les archives de cette dernière en gardent donc la trace.

Le 20 janvier 1986, le projet de CTG est officiellement retenu : il représente en effet un compromis entre les choix techniques des deux pays, les Anglais voulant une liaison routière et les Français une ferroviaire.