PAPIERS RENÉ COTY

Fonds 452 AP

Ce petit fonds se compose d’un florilège de documents rassemblés par la famille de René Coty et très centrés sur le Président lui-même, ses origines et sa longue carrière politique. D’un caractère assez hagiographique, ces papiers où, pour le quinquennat  figurent de surcroît de nombreux doubles du fonds des archives présidentielles, sont de nature comparable à ceux que certains hommes politiques du XIXe siècle appelaient des "souvenirs". Ils n’en perdent rien pour autant de leur valeur intrinsèque.

Françoise ADNÈS
sectiondu XXe siècle

 

NOTICE BIOGRAPHIQUE DE RENÉ COTY [9]

20 mars 1882. Naissance de Jules, Gustave, René Coty, au Havre en Seine-Inférieure, fils de Jean, André, Arthur Coty, républicain modéré, directeur du Collège Saint-Michel, habituellement appelé "la pension Coty", et de Blanche, Albertine, Armandine Sence. René Coty a deux soeurs aînées, Nelly et Marthe, et deux frères cadets, Marcel et Henri. Leurs ancêtres, connus à partir du XVIIIe siècle, sont tous normands : cultivateurs, artisans, puis enseignants.

1899. Après de brillantes études effectuées dans l'institution dirigée par son père, René Coty obtient avec mention bien un double baccalauréat en sciences et en lettres. Il demeurera très marqué par les convictions religieuses et républicaines de sa famille, très attachée en particulier à la tolérance, à la coopération entre les êtres et à l'ouverture au monde.

1899-1902. Étudiant à l'université de Caen. Secrétaire et bibliothécaire de l'Association générale des étudiants caennais, et son représentant au Congrès international des étudiants qui se tient à Paris, à l'occasion de l'Exposition universelle de 1900. Dénonce l'apolitisme et le corporatisme des syndicats d'étudiants et prône "un certain engagement". Acquiert au cours de ses études, outre cette passion du droit qui l'animera toute sa vie, une grande culture littéraire et philosophique, où Pascal et Bergson notamment tiennent une place de choix. Exempté du service militaire en 1900, pour maigreur.

Printemps 1902. René Coty débute en politique à l'occasion des élections législatives des 27 avril et 11 mai où il participe à la campagne électorale de Jules Siegfried, député-maire du Havre, père de l'historien André Siegfried et ami de sa future belle-famille, les Corblet.

Été 1902. Licencié en droit et licencié en lettres/philosophie.

Octobre 1902. Prête serment d'avocat et s'inscrit au barreau du Havre auquel il appartiendra jusqu'en 1932. Sera deux fois bâtonnier de l'Ordre. Brillant orateur, spécialisé en droit maritime et commercial, il plaide également au pénal et au civil.

1905. Fonde au Havre, avec quelques amis qui s'intéressent à la littérature, Le Cercle Vallonges.

21 mai 1907. En l'église Saint-Michel du Havre, mariage de René Coty et de Germaine Corblet, fille d'un armateur du Havre, de quatre ans sa cadette. Ils auront deux filles : Geneviève, en avril 1908, et Anne-Marie, en juillet 1910. Toutes deux disparaîtront en 1987.

4 août 1907. Conseiller d'arrondissement. Élu sous l'étiquette "Radical et Radical socialiste", René Coty s'affirme laïque et démocrate, se réclamant entre autres de Gambetta, Jules Ferry et Waldeck Rousseau. L'élection est invalidée mais René Coty, réélu en 1908, exercera cette fonction sans interruption jusqu'en 1919.

Mai 1908. Élu conseiller municipal du Havre, sur la liste "Union du comité républicain du Bloc des Gauches". Le demeurera jusqu'en 1919.

1909. Élu président du groupe havrais de la Ligue de l'enseignement et secrétaire général du Grand cercle républicain.

1910. Avocat de Jules Durand, syndicaliste mis en cause dans l'assassinat d'un ouvrier non gréviste. L'affaire inspirera à Armand Salacrou sa pièce Boulevard Durand, créée en 1950.

Mai 1912. Réélu conseiller municipal du Havre.

10 août 1913-1942. Conseiller général de Seine-Inférieure, constamment réélu en 1919, 1925, 1931 et 1937. S'intéresse à la question des banlieues des grandes villes, à l'enseignement et stigmatise la politisation excessive de la vie politique locale.

Août 1914-1918. Engagé volontaire comme homme de troupe dans le 129e Régiment d'infanterie qui fait partie de la division Mangin, et participe notamment à la bataille de Verdun. René Coty fit sienne à partir de cette époque la devise de son colonel "en avant avec le sourire", et l'enseignera plus tard à ses collaborateurs de l'Élysée.

1918. Reprend son cabinet d'avocat.

Décembre 1919. Échec de René Coty aux élections municipales, au Havre. Il ne s'y représentera jamais.

Juin 1923-1er janvier 1936. Député. Succède à Jules Siegfried, décédé en 1922. Au fil des années, René Coty s'éloigne du parti radical pour rejoindre "L'Union républicaine". Dès 1923, il développe ses thèmes essentiels : un gouvernement qui gouverne et l'équilibre budgétaire. Puis d'autres apparaîtront : la réforme de l'État et du travail parlementaire, le statut de la presse, la politique familiale et le logement. À la Chambre, où il se montre très actif, il est membre de la commission de la Marine marchande, de la commission de la Législation civile et criminelle, de la commission du Suffrage universel et du règlement. René Coty et son épouse effectuent également pendant cette période maints voyages, en Europe et en Afrique du Nord.

1929. Mariage de Geneviève Coty avec l'ingénieur Louis Egloff. Le couple aura six filles.

13-23 décembre 1930. Sous-secrétaire d'État à l'Intérieur.

1932. Vice-président du Conseil général de Seine-Inférieure.

1932. Mariage d'Anne-Marie Coty avec le docteur Maurice Georges, futur député. Ils auront trois filles et un fils.

1932.  Député, René Coty quitte le barreau après sa réélection pour se consacrer davantage à sa carrière politique. Membre du groupe des Républicains de gauche. Premier projet de réforme de l'État. Ouvre un cabinet de conseiller juridique à Paris.

1er Janvier 1936-1940. Sénateur. Garde les mêmes axes d'action que lorsqu'il était député, tout en mettant de plus en plus l'accent sur la nécessité d'un redressement moral du pays. Devient membre de la Commission des Finances. "Voter impopulaire, c'est cela le courage de l'élu", écrit-il dans son journal, qu'il tient d'ailleurs régulièrement pendant toute cette période.

Automne 1936. René Coty et son épouse s'installent à Paris, Quai-aux-Fleurs.

1939. Premier vice-président du Conseil général de Seine-Inférieure.

28 mai 1940. René Coty, son épouse, leurs enfants et petits-enfants se replient dans la région d'Argentan.

10 juilllet 1940. Vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.

1941-Septembre 1943. Se tient à l'écart de la vie publique.

Octobre 1943-juillet 1944. René Coty participe activement aux travaux du groupe de sénateurs qui, à Paris, élabore des projets de mesures à prendre et d'institutions à mettre en place à la Libération.

Septembre 1944-octobre 1945. Inéligible du fait de son vote du 10 juillet 1940. Demeure à l'écart de la vie politique.

11 octobre 1945. Relevé de son inéligibilité par un jury d'honneur, étant donné ses activités pendant la guerre.

21 octobre 1945-10 novembre 1946. Réélu député aux deux Assemblées nationales constituantes. Membre du parti des Républicains indépendants. Abandonne le conseil général de Seine-Inférieure pour se consacrer entièrement à son mandat national. À l'Assemblée René Coty, minoritaire, ne peut appartenir à la commission de la Constitution. Se montre toutefois extrêmement actif, et aussi très critique à l'égard des projets de constitution. "Nous devions — et je crois que nous pouvions — (...) bâtir un édifice constitutionnel qui fût vraiment la maison commune pour tous les Français", déclare-t-il lors de la séance du 19 avril 1946. "Or nous allons avoir maintenant à statuer sur un projet de constitution qui, avant qu'il soit adopté, donne déjà ce premier résultat de couper en deux, l'assemblée d'abord, le pays ensuite." (...) "En mon âme et conscience, je voterai "non"". Ce qu'il fit aussi en octobre 1946.

10 novembre 1946. René Coty est réélu député de Seine-Inférieure. À l'Assemblée, il poursuit son activité législative et participe au travail de la commission spéciale chargée d'examiner les poursuites possibles contre les parlementaires malgaches après leur appel à la rébellion du 27 mars 1947.

24 novembre 1947-10 septembre 1948. Ministre de la Reconstruction et de l'urbanisme. Les grandes questions du moment sont le règlement des dommages de guerre, le problème du logement et la reconstruction. René Coty accorde sans enthousiasme le permis de construire de la cité Le Corbusier, à Marseille.

Novembre 1948. Réélu sénateur. Vice-président du Conseil de la République. Membre de la commission des Affaires étrangères et de la commission du Suffrage universel. Sera chargé du rapport sur la révision constitutionnelle.

Juillet 1949. Vice-président de l'Union parlementaire européenne.

Décembre 1949. Président des "Grands ports".

1952. Réélu sénateur et vice-président du Conseil de la République. "Ma candidature à l'Élysée semble sérieusement envisagée par des gens sérieux. (...) Je vais finir par la prendre moi-même au sérieux", écrit René Coty dans son journal en mai 1952.

1953. René Coty, très attaché à la politique européenne, ne prend cependant pas position publiquement dans les débats sur la Communauté européenne de défense et sur la Communauté européenne du charbon et de l'acier.

17-23 décembre 1953. Élection du président de la République par le Parlement réuni en congrès à Versailles. Au douzième tour de scrutin, René Coty se déclare candidat.

23 décembre 1953. René Coty est élu président de la République et de l'Union française, au treizième tour de scrutin. Il a 72 ans.

16 janvier 1954. Transmission des pouvoirs du président Vincent Auriol à René Coty.

12 novembre 1955. Décès de Madame René Coty, au château de Rambouillet, des suites d'une crise cardiaque. Ses filles, Madame Egloff et Madame Georges, assumeront désormais une grande partie de ses fonctions auprès du Président.

5 mai 1958. Premiers contacts des collaborateurs de René Coty avec les conseillers du général de Gaulle.

29 mai 1958. Par message au Parlement, René Coty fait appel au général de Gaulle qui accepte le soir-même de constituer un gouvernement.

4 octobre 1958. Promulgation de la Constitution de la Ve République.

Décembre 1958. Radio Luxembourg lance la campagne "Merci Monsieur Coty" : des millions de cartes postales affluent à la présidence de la République.

8 Janvier 1959. Transmission des pouvoirs du président René Coty au général de Gaulle.

Juillet 1959. René Coty inaugure le pont de Tancarville.

1959-1962. René Coty est membre de droit du Conseil constitutionnel. Désapprouve le recours du général de Gaulle au référendum pour décider de l'élection du président de la République au suffrage universel. Élu à l'unanimité membre de l'Institut (Académie des Sciences morales et politiques). Lit Teilhard de Chardin et relit Pascal.

22 novembre 1962. René Coty s'éteint, au Havre.

 

[9] Voir aussi Francis de Baecque, René Coty tel qu'en lui-même, Paris, Éd. STH, 1991 et Jean-Jacques Chevalier, Patrice Gélard, René Coty, In Ethnopsychologie, Le Havre, Institut havrais de sociologie économique et de psychologie des peuples, numéros 1-2, janvier-juin 1982.