Présentation
Préface
Les archives dont voici l'état sommaire viennent heureusement combler la plus importante des lacunes qui subsistaient dans la documentation offerte aux historiens du Premier Empire aussi bien qu'à ceux du Second.
Les fonds d'origine administrative offraient déjà toute la diversité des commencements de nos séries modernes, archives des ministères et archives des préfectures, dans lesquelles s'inscrit l'histoire quotidienne de la gestion, à tous les niveaux, d'une France que le Consulat et l'Empire ont dotée, pour la plus grande part, de ses structures définitives. On pouvait aussi mettre à contribution les archives de la Secrétairerie d'État impériale de Napoléon Ier, et celles de la Maison de l'Empereur, sous les deux règnes de Napoléon Ier et de Napoléon III.
Mais à ces documents administratifs, reflets du génie organisateur et porteurs des décisions prises, il manquait souvent ce que, seuls, peuvent apporter les papiers plus intimes ou s'inscrivent mieux l'évolution des hommes et de leur pensée, les motivations réelles, les réticences et les espérances.
Depuis cinquante ans, les archives privées n'ont cessé d'affluer vers nos dépôts publics et de combler très largement cette lacune. Fruit heureux d'une politique avisée menée par l'État pour la recherche et la préservation de ces fonds, c'est aussi celui de l'intelligente compréhension des propriétaires. Héritiers de l'histoire, ceux-ci ont de plus en plus nettement conscience des dangers qui menacent en notre temps les patrimoines historiques, et ils savent que les documents sont faits pour être matériau de l'histoire, non pour dormir dans l'inutilité des armoires fermées.
C'est ainsi que les Archives nationales, déjà riches des fonds Beugnot, Bessières, Murat, Roederer et Persigny, entrés avec quelques autres au cours de la première moitié du vingtième siècle, se sont enrichies, depuis la seconde guerre mondiale, de quelque quatre-vingt-dix fonds d'archives privées intéressant directement l'histoire du Premier Empire ou du Second. Sans qu'il soit possible de les citer tous, on peut rappeler ici l'entrée, par voie de don, d'achat ou de dépôt, des archives Caulaincourt (1952), Berryer (1954), Mollien, Ney, Berthier, Davout (1955), Daru (1957), Fould (1958), Mackau, Fortoul (1959), Odilon Barrot (1963), Cambacérès (1964), Sieyès (1967), Gourgaud (1969), Masséna (1970), Poniatowski (1971), Suchet d'Albufera (1978).
Et voilà, coup sur coup, deux acquisitions capitales. En 1977, c'étaient les archives du roi Joseph, riches de l'histoire des relations complexes entre le grand empire et les royaumes, celui de Naples et celui d'Espagne. Le duc de Wellington accordait à la France la préférence pour la cession de ces archives jadis prises sur le champ de bataille par le vainqueur de Vitoria. L'inventaire de ces documents, demeurés inédits jusqu'à nos jours, a été immédiatement entrepris. Les chercheurs pourront bientôt le consulter.
De semblables dispositions étaient prises, dans le même temps, par le Prince Napoléon, soucieux de faire revenir en France des archives que la loi d'exil avait fait conserver à l'étranger. Acquises récemment par l'État, elles sont d'ores et déjà l'un des plus beaux fleurons des Archives nationales.
Un inventaire détaillé est en chantier; il demandera de longs mois d'un travail qu'on ne s'étonnera pas de voir mener au niveau scientifique le plus élevé. Mais il m'a semblé que les historiens de France et d'ailleurs seraient heureux de disposer rapidement d'un état sommaire, mis au point grâce à un premier recensement effectué avant même le transfert des archives.
On voudra bien considérer cet état sommaire comme un simple instrument d'information. Notre souhait est qu'il permette à chacun de connaître, dès maintenant, la substance historique de l'un des plus remarquables enrichissements qu'ait connu notre grand dépôt national.
Jean Favier
Directeur général des Archives de France.
Introduction
Après avoir reçu en dépôt de Monseigneur le comte de Paris les archives de Louis-Philippe, de ses aïeux et de ses descendants, en 1969, après avoir acheté en Angleterre les papiers de Joseph Bonaparte, roi d'Italie, puis d'Espagne, en 1977, voici que les Archives nationales acquièrent en 1979 un ensemble non moins prestigieux, les archives Napoléon, propriété jusqu'alors de Leurs Altesses Impériales le prince Napoléon, arrière-petit-fils du roi Jérôme, frère cadet de l'Empereur, et la princesse Napoléon, son épouse.
Avant d'être transférés au palais Soubise, ces deux cent vingt cartons étaient conservés en Suisse, à Prangins, non loin de Lausanne, mais certains documents avaient déjà fait l'objet de plusieurs déménagements, car, à l'exemple des hommes et suivant leur destin, les archives sont souvent d'humeur voyageuse.
Deux fonds étaient à l'origine de cet ensemble : d'une part les papiers conservés par l'impératrice Eugénie à Farnborough, transportés à sa mort, en 1920, chez le prince Victor*, à Bruxelles, dans son hôtel de l'avenue Louise, puis, après la vente de cet hôtel, au château de Ronchinne, près de Namur, enfin, en 1958, à Prangins; et, d'autre part, les papiers qui étaient toujours demeurés à Prangins, depuis la construction de la propriété par le prince Napoléon* dans les années 1880.
Au premier fonds, qui pourrait être désigné par commodité sous le nom de fonds de Farnborough, appartenaient les papiers du Premier Empire (Napoléon Ier, ses frères et soeurs, à l'exclusion de Jérôme), en majeure partie reliés (beaucoup de volumes reliés portent le chiffre de l’impératrice Eugénie ; nous ne l’avons pas toujours signalé), les papiers du Second Empire (Napoléon III et Eugénie) contenus surtout dans des cartons et portefeuilles, et les papiers du prince Victor.
Au second fonds, appelons-le fonds de Prangins, se rattachaient les papiers du roi Jérôme, et de son épouse, Catherine de Wurtemberg, ceux de leur fils le prince Napoléon, et de leur belle-fille, la princesse Marie-Clotilde de Sardaigne, enfin ceux du second fils de ceux-ci, le prince Louis, qui avait hérité de Prangins à la mort de son père en 1891. En effet, le prince Napoléon, en désaccord avec son fils aîné, le prince Victor, avait institué le cadet son héritier universel.
Les archives de la princesse Mathilde, soeur du prince Napoléon, n'étaient pas à Prangins (voir 400AP/105), mis à part des dessins et des aquarelles de la princesse conservés par le prince Napoléon, quelques diplômes, quelques photographies et lettres.
Ainsi, lorsqu'en 1958, Son Altesse Impériale le prince Louis-Napoléon joignit aux papiers de son oncle, ceux de son père conservés en Belgique, toutes ces archives se trouvèrent réunies en un même lieu. Elles comprenaient environ trois cents articles (registres, cartons, volumes reliés, portefeuilles, dossiers) rangés dans quatre armoires de la bibliothèque de Prangins. Le classement adopté avait été influencé par les vicissitudes passées et par l'aspect matériel des pièces, les archives reliées ayant été arbitrairement séparées des archives non reliées. Il ne pouvait être question d'adopter ce parti et de maintenir par exemple la scission entre les fonds de Farnborough et de Prangins. Arrivées rue des Francs-Bourgeois le 22 juin 1979, ces archives ont été enregistrées sous le numéro d’entrée 2839. Pour ces papiers, intégrés désormais dans la série des Archives privées des Archives nationales, sous la cote 400AP, un plan méthodique de classement s'imposait.
Figurent maintenant en tête : l'Empereur, l'impératrice Joséphine et le roi de Rome, puis, après un dossier consacré à Madame Mère, au cardinal Fesch et à Eugène de Beauharnais, viennent par ordre d'âge les frères et soeurs de Napoléon : Joseph, avec la reine Julie, et ses filles Zénaïde et Charlotte, Lucien, prince de Canino, et ses enfants, Élisa, le prince Félix Bacciochi et leur fille, la comtesse Camerata, Louis, roi de Hollande, et Hortense, et là prennent place les archives du Second Empire, Napoléon III, Eugénie et le prince impérial, puis Pauline, enfin, en dernier lieu, le frère cadet de l'Empereur, le roi Jérôme, et ses descendants.
La valeur de ces archives est immense. Parmi les papiers du Premier Empire, il suffirait de citer les innombrables lettres de l'Empereur : 231 lettres adressées à Joséphine entre 1796 et 1813, presque toutes autographes et signées, reliées en trois volumes, 624 lettres et pièces diverses adressées à Joseph, 1795-1815, 71 lettres à Élisa, 45 à Louis et 48 à Hortense entre 1795 et 1815, enfin 193 à Jérôme, 1799-1813. Sans doute bien des lettres ont été éditées, mais les publications sont rarement exhaustives et certaines sont anciennes.
Outre plusieurs pièces dignes d'être exposées au titre de « reliques », comme telle lettre de Bonaparte à Joséphine ou tel cahier d'étude du duc de Reichstadt, ou bien encore l'original signé de l'acte de mariage de Pauline et du général Leclerc, 1797, cette partie du fonds comprend une documentation historique de premier ordre sur de nombreux sujets : le gouvernement d'Élisa, princesse de Lucques et de Piombino, grande-duchesse de Toscane, illustré par la correspondance reçue de ses ministres, des ambassadeurs de France en Etrurie, de fonctionnaires comme le baron Fauchet, préfet de l'Arno; l'éducation des fils de la reine Hortense, avec des plans d'étude dus au précepteur de Napoléon-Louis, Narcisse Vieillard; certains aspects ou événements de la vie de plusieurs membres de la famille impériale, comme Louis et Hortense de Beauharnais ou Jérôme et son épouse, Catherine de Wurtemberg, dont est conservée toute la correspondance.
Premier et Second Empire sont intimement liés : les papiers du prince Napoléon sont à cet égard instructifs. En 1863, le prince reçut en don d'un Corse, nommé Braccini, d'Ajaccio, quatre cartons renfermant des papiers de la famille Bonaparte antérieurs à la Révolution. On y trouvera des documents sur les biens des Bonaparte, 1776-1799, avec des titres de propriété remontant au XVIIe siècle, des papiers de l'abbé Fesch à l'époque où il vivait à Ajaccio et de l'abbé Lucien Bonaparte, archidiacre de la cathédrale de cette ville, et des papiers des parents de l'Empereur, Charles et Letizia (400AP/112 à 400AP/115).
Quelques années plus tard, en 1881, la vicomtesse Bertrand, belle-fille du grand maréchal du palais, remit au prince des papiers de son beau-père provenant de Sainte-Hélène : comptes rendus de conversations de l'Empereur avec le général et brouillons de dictées (400AP/109)*. Enfin, en tant que président de la commission créée pour la publication de la correspondance de Napoléon Ier, le prince rassembla un grand nombre de copies de lettres de l'Empereur provenant de collections publiques ou privées, mais aussi des lettres originales, mémoires et notes, écrits ou signés par Napoléon entre 1783 et 1815, avec un dossier par exemple sur l'organisation de l'armée des côtes de l'Océan, 1802-1804, qui ne comporte pas moins de 200 ordres et lettres signés Bonaparte, et un autre renfermant 131 lettres adressées par l'Empereur au prince Borghèse entre 1808 et 1814. Certaines copies de lettres de l'Empereur, classées à part, présentent un grand intérêt car elles n'ont pu trouver place dans la Correspondance officielle, 1808-1821 (400AP/137 à 400AP/143).
Les historiens du Second Empire se féliciteront eux aussi de disposer de nouvelles sources. On découvrira pour cette époque maintes pièces émouvantes : dépêches de l'Empereur à son épouse durant la guerre de 1870, dernière lettre du prince impérial à sa mère datée du jour de sa mort, écrite au crayon, « Je n'ai pas voulu perdre cette occasion de vous embrasser de tout mon coeur », mais également de copieux dossiers relatifs aux événements diplomatiques ou militaires : campagnes de Crimée, d'Italie, du Mexique et de 1870, l'Algérie, étoffés par la correspondance active et passive de Napoléon III avec ses ministres, ses maréchaux et généraux, sa famille et les princes et souverains étrangers. Un complément d'un extrême intérêt est apporté par les soixante-trois cartons des papiers du prince Napoléon. La riche personnalité du prince, son intimité avec son cousin qui remontait aux années passées par Plon-Plon à Arenenberg chez sa tante la reine Hortense, et ses multiples activités expliquent la qualité de ses archives.
Le prince Napoléon exerça officiellement de nombreuses responsabilités : il fut commandant de la 3e division d'infanterie de l'armée d'Orient et, de ce fait, combattit en Crimée, ministre de l'Algérie et des Colonies (juin 1858-janvier 1859), commandant en chef du 5e corps d'armée durant la campagne d'Italie en 1859, président de la commission chargée de préparer les expositions universelles et président, nous l'avons vu, de la commission pour la publication de la correspondance de Napoléon Ier. Et nous ne citons là que ses principales fonctions. De plus, l'Empereur confia à son cousin ou à certains de ses proches des missions officieuses; les notes, rapports et lettres rédigés à cette occasion apportent sans aucun doute des précisions sur l'histoire des relations franco-italiennes ou franco-prussiennes sous le Second Empire. D'une vive curiosité intellectuelle, grand voyageur, il parcourut l'Europe, mais aussi l'Afrique, l'Amérique, les mers du Nord jusqu'au Groenland, et, correspondant infatigable, le prince est sans conteste un des témoins le plus précieux de l'entourage de l'Empereur.
Sous la Troisième République, le parti bonapartiste demeurera actif; écrire son histoire sera maintenant beaucoup plus facile. Il faudra consulter attentivement les archives du prince Napoléon et celles de son fils le prince Victor, en particulier quatre-vingt-un cartons contenant la correspondance qu'envoyaient à celui-ci des députés, des sénateurs ou des présidents de comités bonapartistes, quelques opposants, mais surtout des fidèles.
De la politique, passons à l'art et à la littérature. Plusieurs Bonaparte, et en particulier l'empereur Napoléon III, sa mère, son épouse et son cousin, ont entretenu des rapports étroits avec les milieux artistiques et littéraires. Un nombre élevé d'écrivains, de philosophes, de sculpteurs et de peintres sont ici représentés.
David, Isabey, Bartolini, Chateaubriand, Mme Récamier et Mme de Staël ont écrit à la reine Hortense (400AP/32) ; l'Empereur et l'Impératrice ont reçu des lettres de Gustave Doré, de Chateaubriand - encore lui -, de Victor Cousin, d'Octave Feuillet, de Mérimée, Renan, Sainte-Beuve, Sandeau, Sismondi, Louis Veuillot et Vigny (400AP/52). Quant au prince Napoléon, il était en relation avec Dumas (400AP/126), Flaubert (400AP/127), Victor Hugo (400AP/129), Jules Sandeau (400AP/159), Taine (400AP/161), les peintres Hébert (400AP/129) et Horace Vernet (400AP/162) ; les correspondances les plus abondantes proviennent de Sainte-Beuve et de son secrétaire (400AP/159 et 400AP/161), de Renan (400AP/157), de Maxime Du Camp (400AP/125) et surtout de George Sand - 83 lettres - et de son fils (400AP/159). Certaines lettres, en particulier celles provenant d’écrivains, ont été publiées.
Dans le peu de temps qui nous était imparti pour classer, coter et inventorier, il n'était pas possible de rédiger un inventaire analytique ou même détaillé des archives Napoléon, mais ce bref état donnera peut-être envie aux chercheurs d'en savoir plus en venant eux-mêmes consulter ces documents aux Archives nationales. Nous tenons à remercier de leur diligence Mlle Bisner, commis, qui a assuré la dactylographie de ce texte, M. Urtado, magasinier, qui a procédé à la mise en place de ce fonds et à son étiquetage et M. Ventéjoux, sous-chef d’atelier de restauration-reliure, qui a examiné les volumes reliés.
Des expositions sur Napoléon 1er, lors du bicentenaire, ou sur « L'art en France sous le Second Empire », cette année, ont attiré l'attention du grand public comme des spécialistes sur ces époques ; aux historiens de prendre maintenant le relais et de rédiger d'utiles mises au point ou des études originales et documentées grâce à cette récente acquisition de l'État français.
Chantal de TOURTIER-BONAZZI
Conservateur aux Archives nationales.
Tableaux généalogiques simplifiés
Notes sur l'encodage
Une fois numérisé et converti en XML conformément à la DTD EAD (version 1.0), cet état sommaire a été corrigé afin de faire apparaître explicitement les ensembles documentaires correspondant à des niveaux de description implicites, notamment les nombreuses séries de correspondances. Les intitulés des dossiers ont souvent été modifiés, et les titres abrégés ("idem") systématiquement développés.
Lors d'une autre phase de correction, en octobre 2002, de nouveaux niveaux de description et intitulés ont été ajoutés, de nombreuses notes intégrées au corps du texte.
L'instrument de recherche électronique présenté ici est donc en bien des points différent de l'ouvrage imprimé.
Le document XML/EAD résultat a été converti en HTML par programme XSL-T.
Martin Sévigny
société AJLSM
Florence Clavaud
service des nouvelles technologies, Centre historique des Archives nationales